Encore une année qui se termine et des bilans à n’en plus finir. Festivals rock ne déroge pas à la règle et se doit, en bon observateur des moeurs festivalières et musicales, de jeter un coup d’oeil sur les 12 mois qui viennent de s’écouler.
12 mois au bout desquels les contrastes paraissent plus symptomatiques que jamais. A l’image de bien des domaines, la grande communauté festivalière se présente comme une entité à deux vitesses. D’un côté, les mastodontes secondés par des sponsors et des structures aux portes-monnaies bien garnis s’octroient les quelques artistes dont le potentiel d’attraction assure un taux de remplissage optimal. De l’autre, des structures associatives, souvent plus fragiles mais dont le travail semble avant tout guidé par le qualitatif et une véritable cohérence éditoriale. Citons, puisque ils ont cette année traversé des difficultés, les festivals des 3 éléphants (Laval) et celui de la Route du Rock (Saint- Malo) dont la disparition appauvrirait considérablement le paysage « festivalistique » français. A côté de cela, Live Nation poursuit son implantation en Europe et plus particulièrement en France avec le lancement du Main Square Festival et du festival Rock en France à Arras. Ces deux rassemblements n’auront d’ailleurs pas été des succès ce qui au vu des prix prohibitifs des tickets d’entrée est rassurant: le public français ne rentre pas (encore ?) dans le grand cirque du cynisme festivalier.
Pour les observateurs que nous sommes, une schizophrénie récurrente s’installe : il y a d’un côté ce que l’on pense et de l’autre ce que l’on fait. L’auteur de ces lignes a bien évidemment accepté d’engraisser les méchantes structures prédatrices dont il est question précédemment lorsque celles-ci avaient réussi des « gros coups ». Citons par exemple le dyptique Sigur Ros / Radiohead proposé par le festival de Werchter et le Main Square Festival ou la venue de Leonard Cohen à Benicassim et Glastonbury.
Au niveau des programmations et de l’avis de beaucoup, l’année traversée a été pauvre. Comme si une absence d’imagination et d’ambition s’était emparée des programmateurs européens, nombre de scènes ont été occupées par des groupes secondaires ou en reformation. Citons par exemple les prestations pathétiques du groupe The Verve et des Sex Pistols tout au long de cet été.
A côté de cela, certains grands groupes jouent intelligemment la carte festival: soit en proposant un spectacle à la mise en scène soignée (Sigur Ros), soit en choisissant de se produire peu et dans des festivals qui privilégient le qualitatif au quantitatif (Portishead, Massive Attack…).
Enfin il y a quelques initiatives dont on ne sait pas quoi penser. S’il est difficile de cacher le plaisir éprouvé à retrouver Rage Against The Machine sur scène (leur arrivée déguisés en prisonniers de Guantanamo restera comme l’une des images fortes de l’année), la polémique autour des cachets demandés par le groupe aura quelque peu terni ces retrouvailles.
Il y a également des groupes qu’on découvre (ou redécouvre) et de nouvelles tendances qui se dégagent grâce à des programmations audacieuses. Battles et Foals auront par exemple fait déferler une vague math-rock sur les festivals européens grâce à leurs impressionnantes constructions rythmico-hypnotiques. La pop, souvent caricaturée par des groupes vivant sur ses acquis, a enfin endossé de nouveaux costumes: elle s’est parée de masques africains avec MGMT, Vampire Weekend et les trop peu cités et souvent oubliés Yeasayer et, comme si elle se décomplexait enfin, n’a pas hésité à proposer des alliages mouvants et mutants (Patrick Watson, Tuung, Why? …).
Du côté de la scène francophone, difficile d’ignorer le raz de marée Justice. Fond de scène minimaliste (un mur d’enceintes et la croix emblématique du groupe comme seule fantaisie), sets riches en influences et exigeants ; le groupe s’est rendu incontournable en Europe et dans le monde. Du côté de la « chanson française » Bashung a, malgré la maladie, inondé de sa classe de nombreuses scènes cet été et rappelé à quelques artistes perdus en route que la forme ne pouvait masquer les faiblesses ou la démagogie d’un répertoire. Il serait enfin injuste de ne pas citer Camille qui a réussi à prolonger la magie dégagée sur disque avec un spectacle soigné et entièrement articulé autour de la voix. Dans un espèce de « medulla » à la française, ses choristes et les impressionnants beat-boxers Sly Jonhson et Esra ont construit un spectacle à l’exacte mesure de son talent: à la fois tordu et touchant.
Au bout du compte, et malgré la faiblesse des programmations proposées, on finit l’année avec l’impression de s’être encore une fois bien amusés. On attendra forcément plus de l’année qui vient et s’il est encore un peu tôt pour dégager des tendances, on peut parier que la reformation de Blur et la vitesse à laquelle se sont vendus les tickets pour leurs deux dates à Hyde Park au début du mois de Juillet doivent donner des idées aux programmateurs…