Question: comment un groupe, qui traîne derrière lui une flopée d’ albums, en vient tout à coup à être important ? Il suffit parfois d’une rumeur propagée par quelques médias musicaux.
C’est par exemple le cas d’Animal Collective qui grâce à l’album qui sort ces jours-ci se voit soudain auréolé de l’étiquette de groupe important.
Les trois du Maryland ne sont en fait pas devenus importants avec la sortie de leur nouvel album « Merriweather Post Pavilion ». Ils le sont déjà depuis quelques années, notamment grâce aux deux chefs d’oeuvre « Sung tongs » et « Feels ». Ces deux albums donnaient à entendre quelque chose qui avait déjà été essayé mais rarement aussi maîtrisé: une succession de comptines pour enfants aux vagues relents d’acides, une fanfare psyché-folk qui décomplexait les vieux schémas pop et proposait un pont sinueux entre les voix, les instruments et les machines.
Leur successeur, le plus électronique « Strawberry jam » rompait avec les habitudes prises avec ces deux albums. Fini le folklore et les guitares hypnotiques; étouffés les fûts et cymbales de batterie; place le plus souvent aux synthés et aux partitions rythmiques tapées sur ordinateur. Si cette nouvelle orientation a pu déstabiliser les fans de la première heure, elle permit au groupe de se trouver un nouveau public.
Et voici donc que débarque « Merriweather Post Pavilion » et sa ribambelle de critiques enthousiastes, le célèbre webzine Pitchfork se permettant de lui mettre la note extravagante de 9,6/10 (à titre de comparaison, Le « Third » de Portishead s’était vu octroyé la note de 8,8/10 il y a quelques mois et le « In rainbows » de Radiohead 9,3/10 ).
On ne développera de polémique stérile à ce sujet, c’est effectivement un bon album. Néanmoins, c’est au moment où le groupe lisse un peu ses aspérités qu’il en vient à être reconnu et c’est dommage. Le virage électronique, abordé avec le précédent album « Strawberry jam », est confirmé avec cet album. On sent à ce propos le groupe plus à l’aise avec les machines: les échantillons samplés et utilisés dans leurs compositions répondent plus facilement que sur le précédent album aux partitions rythmiques. Plus à l’aise également avec les harmonies vocales: si le brouillard mélodique reste une marque de fabrique du groupe, les lignes de chant et les choeurs sont plus clairs et l’enrobage plus pop. L’album donne ainsi parfois l’impression, plus de 40 ans après, d’avoir enfin à faire à un digne successeur du « Pet sounds » des Beach Boys (« Taste »). Un « Smile » à l’image de la musique d’aujourd’hui, souvent tordue par les machines, et lorgnant parfois vers l’hypnotisme caractéristique des musiques électroniques (« In the flowers », « «Summertimes clothes »).
Le groupe présentait ce nouvel album à Paris Vendredi soir au Bataclan. Même configuration que pour la précédente tournée: Geologist à gauche, caché derrière sa lampe frontale et ses machines; Avey Tare au milieu, alternant voix, guitare, synthés, percussions et effets et enfin Panda Bear à droite, armé de ses sampleurs SP 555, de son micro et de ses percussions. Force est de constater que le groupe n’a pas encore résolu le problème de la transposition des sonorités machines et studio à la scène. Leurs compositions sont encore noyées par des réverbérations trop lourdes et les balances entre échantillons sont souvent approximatives. Le tout donne parfois à entendre de jolies choses (« Brother Sport » et « Summertime clothes » extraits du dernier album ou « Fireworks » tiré de « Strawberry jam » avec Panda Bear aux percus) mais la plupart du temps une impression de gâchis domine: le massacre du superbe « Banshee Beat » de l’album « Feels » en est un parfait exemple. Vu le peu de bruit dans la salle, il est même probable que beaucoup ne l’aient pas reconnu.
Cette performance vient finalement rappeler à l’ordre les trois américains. Si leur travail studio mérite d’être reconnu et pris pour exemple, la transposition sur scène des différents morceaux se doit s’être repensée…