Situé à mi-chemin entre les mastodontes de Werchter et de Dour, les Ardentes essaient pour la cinquième fois de se faire une place dans le paysage festivalier belge. Gros coups ( N.E.R.D., Babyshambles, Charlotte Gainsbourg, Erykah Badu), reformations attendues (Pavement, P.I.L.), rouleaux-compresseurs (Cypress Hill, Archive…): au vu de la programmation, il pourrait que le festival liégeois y arrive. Bilan en fin de semaine.
Jeudi 16h. Après avoir tenté de plonger dans la Meuse une quinzaine de fois pour me rafraîchir (la police fluviale est visiblement contre), je retourne chercher de l’ombre près de la grande scène (c’est peut-être le moment adéquat pour rappeler l’existence de trois scènes: une en plein air et deux dans un hangar dont on reparlera). Coup de flippe: je dois successivement me taper les performances des Plasticines et de Camelia-Jordana. De peur de passer pour quelqu’un d’intolérant ou de mysogine (ou les deux), je ne porterai aucun jugement sur leurs performances (insipides).
Le festival se lance véritablement avec le set de Jamie Lidell. Signature Warp et ami de Gonzales, Feist ou Mocky (ce qui offre quelques garanties), le canadien vient présenter son nouvel album Compass. Sur scène, Ca groove à s’en tamponner la tête contre un mur. Jamie Lidell se tord dans tous les sens, chante, se retord dans tous les sens, trafficote sa voix, la sample, ses musiciens se tordent également dans tous les sens dans un maelström de soul, de funk et d’électro tandis que quelque part sous les platanes; Otis Redding, Sly Stone et Jamiroquaï pleurent leurs belles années.
Jamie Lidell
Pendant ce temps, Broken Social Scene réussit à drainer quelques courageux festivaliers sous le hangar dont la température doit avoisiner les 700 degrés. ADN pop mutant, grain bien particulier (quelque part entre hédonisme hawaïan et mélancolie) échaffaudé par quatre guitaristes sur scène, Emily Haines de Metric en guest…Ca le fait.
Kevin Drew – Broken Social Scene
Pourtant nommé dans la catégorie boulet d’or, on ne pensait pas que Julian Casablancas dégagerait une telle impression. Le chanteur des Strokes est sapé mi-shamane mi-Michaël Jacskon (époque Thriller), son nom est floqué sur la batterie, ses musiciens sont relégués loin derrière lui sur scène (mégalomanie inside) et question musique, il faut s’accrocher. Comme si son album solo sorti pendant l’hiver n’était déjà pas suffisamment indigeste, sa transcription sur scène à base de synthés stridents et de balances radio-crochet est particulièrement irritante. Avec 6 bouchons d’oreille (par oreille), ça devient audible et on peut même s’amuser car le new-yorkais est photogénique: Julian Casablancas en couleur, Julian Casablancas en noir et blanc, Julian Casablancas à l’envers, Julian Casablancas en négatif, Julian Casablancas de travers…Pour le reste, il vaut mieux attendre patiemment le prochain album des Strokes.
Julian Casablancas
Dans la catégorie expérience scénique, les deux ( trois même avec le batteur qui les accompagne) de Crystal Castles ont marqué des points: fulgurances hardcore perçant un nuage de synthés aériens, mise en scène stroboscopique, le tout porté par la voix d’Alice Glass qui rentre au passage dans le guiness des records du slam dans le public le plus rapide de l’histoire (43 secondes). Première grosse claque du festival.
Plus tard dans la soirée, alors que le thermomètre se fait enfin oublier, la grande scène la joue Oldies avec un dyptique Cypress Hill – Pavement.
Cypress Hill, c’est la sécurité sociale pour un festival: l’assurance pour les programmateurs d’avoir du monde et un bon concert. Cela n’a pas loupé: set très suivi et très apprécié malgré l’impression de surplace que le groupe peut parfois dégager. Même si le nouvel album Rise Up a été présenté, l’essentiel était dit avec le tryptique Insane in the Brain – I wanna get high – Dr Greenthumb. B-Real allume un joint. Réflexe: chacun des 10 000 festivaliers présents près de la grande scène allume un joint. Le concert se finit un quart d’heure plus tard sous un énorme nuage de weed.
Changement d’ambiance avec Pavement. Tandis que les plus jeunes s’esquivent, les trentenaires s’approchent de la scène. Le groupe surfe sur la jurisprudence Pixies (qui veut qu’un groupe dissout se reforme pour un tour du monde des salles de concert et des festivals entre vieux copains) et permet à toute une génération (dont l’auteur de ces lignes fait partie) de (re)découvrir Pavement. Grands frères du mouvement rock indé lo-fi des années 90, les cinq se retrouvent donc une dizaine d’années après leur séparation. Sur scène, ça sent le feu de bois et le menu best of. Côté public, on se lance dans des pronostics sur la setlist entre chaque morceau. Le groupe n’est pas transcendant dans le jeu mais semble content d’être là. Bon moment.
Stephen Malkmus – Pavement
Missy Elliott pour terminer cette première journée. Après le fiasco des Eurockéennes la semaine dernière (en vrac: playback, sifflets, jets de bouteille et désertion de la grande scène par le public, une première aux Eurocks), on est curieux de voir ce que cela donne. Côté positif: les nombreux danseurs sur scène qui secondent la rappeuse dont certains clips sont des bijoux de chorégraphie hip-hop. Côté négatif: le reste. L’américaine se fait attendre, parle beaucoup, saute, rappe une minute puis s’arrête. Le dj relance la musique, elle rappe une nouvelle minute puis laisse faire le playback. Speech du genre « vous êtes content alors montrez-le ». Le public fait du bruit. Missy Elliott sort de scène. Le dj se lance dans un dj set. Les Black Eyes Peas et David Guetta pour commencer. On touche le fond. Les gens commencent à partir. Je les suis.