A l’arrivée du train, il y a les pancartes des taxis. Une pour Dominique A, une pour François & the Atlas Mountain. Une pour Camille aussi. Qui arrive cachée sous une capuche. Qui dit timidement bonjour.
Il y a un monde entre ce moment et celui d’après, entre la personne privée et le personnage public, tout de poésie et de décalage quelques heures plus tard: une ampoule suspendue parcourt la scène au gré de ses inspirations, imprimant successivement ombres et lumières sur le fond de scène. Les instruments ne sont pas amplifiés, des micros d’ambiance saisissent simplement les contours des mélodies.
Retour aux taxis. Il n’y a pas de pancarte pour moi. La pluie m’invite à faire comme si. Le chauffeur me parle de crise, d’essence et de politique. Il prend des raccourcis. Géographiques et rhétoriques. J’acquiesce.
A l’auditorium, coeur battant du festival, les captations télévisuelles privatisent l’espace disponible. Les six de Dionysos jouent le jeu. Mathias, chanteur du groupe, parle beaucoup. Blague un peu. Babeth, la violoniste, complète parfois. Les autres sourient ou regardent ailleurs. Quelques heures plus tard, le groupe présente sa nouvelle création: le bird n’ Roll, mélange de rock n’roll pionnier et de choeurs chants d’oiseaux. Le guitariste joue avec une perceuse. Pour de vrai. C’est drôle. C’est rythmé. C’est gourmand.
Dominique A avait son affichette à la gare. Il a aussi sa conférence de presse. Il sourit aux questions posées, coupe parfois les journalistes, se moque gentiment.
- Vous qui êtes modeste et discret… .
- Ah non pas du tout, vous devez vous tromper.
- Les 20 ans de l’album la Fossette, vous aviez prévu de le fêter ?
- Oui, en fait je prépare les 20 ans depuis 20 ans. Je me disais: « Ah putain les 20 ans ».
Il présente le soir même son nouvel album en configuration élargie. Cinq musiciens et un quintette à vent. Il parle de l’influence du dernier album de Midlake. Dehors il pleut toujours.
Quelques mètres plus loin, Mina Tindle ouvre timidement la scène de l’auditorium. Pop sucre lent et arpèges de fête foraine. Comme s’il fallait commencer doucement. Le public est réceptif. Emue, elle pleure un peu. Puis se reprend.
En salle de presse, on présente la création-hommage autour de Lhasa. Arthur H se frotte les yeux, Patrick Watson boit de l’eau. Chacun se présente. Emily Loizeau rougit de ne pas avoir connu Lhasa. Trois des soeurs de Lhasa sont présentes, impressionnées. Sûrement émues. L’une d’elles retient ses larmes en parlant. En contrechamp, les téléphones sonnent, des journalistes consultent leurs textos. Le cynisme en attendant que la pluie s’arrête.
Mais elle ne s’arrête pas. La résignation s’installe. Le groupe François & the Atlas Mountain également. Invitation au voyage, mélancolie de fin d’adolescence et rythmiques afro-tribales. La jeunesse est assumée. On peut chanter d’une voix nasillarde et en français. On peut jouer pieds nus et en short. On peut lancer des chorégraphies sommaires, genre boys band de la fin des années 90. Le groupe décomplexe, un peu, la chanson française. Comme a pu le faire, à une autre époque, Dominique A. Qui leur succède. Simple, intense et possédé. Comme à son habitude.