Mercredi 16 Juillet
Ca commence par une histoire de taxi. Le chauffeur bute sur le prix d’un Valenciennes – Dour. Pour la course, nous lui proposons 5 euros et un nuts. Il refuse. Nous hésitons sur la démarche à adopter avant que je ne propose la prise d’otage. Genre détournement d’avion mais avec un taxi. La classe totale. Mes camarades me reprennent, laissons une place à la paix, dans deux jours c’est l’anniversaire à Nelson Mandela et la violence c’est vraiment pas cool. J’acquiesce et nous décidons finalement de chausser nos casquettes à l’envers pour impressionner le chauffeur. La méthode ne fait pas mouche, 45 euros pour une arrivée à Dour une demie heure plus tard, bobo dans le porte-monnaie tout ça.
Nous arrivons à l’entrée du festival après avoir traversé un (putain de) chemin boueux (de merde), je m’apprête à sauter de joie parce que vraiment c’est trop cool mais non : demoiselle entrée m’annonce qu’il faut que je retraverse ce (putain de) chemin boueux (de merde) pour obtenir un bracelet presse. J’essaie de prendre la chose avec philosophie et part pour une nouvelle traversée du (putain de) chemin boueux (de merde). Un belge tendance Wallon relou m’explique que je me trompe de sens, je prends soudain conscience que la philosophie ça va deux minutes, je pose mes 157 sacs avant de soigneusement le planter sur l’un des nombreux échafauds Betafence qui longe ce (putain de) chemin boueux (de merde). Quelques litres de sueur plus tard, j’arrive enfin au chapiteau presse pour me faire poser le bracelet magique. La chose est bien organisée et je suis rapidement relâché dans la nature avec le sésame tant convoité. Pour me rendre sur le site du festival, il me faut une nouvelle fois traverser le (putain de) chemin boueux (de merde). Par pudeur, je passerai sous silence ce troisième trajet.
Seconde mission, une fois entré sur le site, il me faut retrouver mes camarades. Facile, une tente 2 secondes, une tente type quechua et une tonnelle. Comme une bonne partie des festivaliers déjà installés… Et ils sont déjà beaucoup. Il est 17h, le festival commence à priori demain mais sur les quatre campings mis à disposition, trois sont déjà bien occupés. Je parcours l’immense camping A sans les trouver. Par chance sur la route du camping B, je croise l’un d’eux qui me guide jusqu’à notre lieu de résidence du week-end : au fin fond du camping C.
En guise d’apéritif et pour fêter la 20ème édition du festival, des concerts sont prévus dès ce soir. Un groupe vient présenter des reprises d’Abba puis Princess Superstar mixe pour marquer le coup. Chouette. En fait, c’est surtout l’occasion de découvrir le site et la fameuse sauce andalouse que le monde entier envie au festival belge. Au niveau du site et après les problèmes rencontrés l’année dernière, un effort a été entrepris : le tout est plus aéré et un espace lounge / Bar à bières a notamment fait son apparition.
Le temps de discuter du climat belge avec un toï-toï déjà croisé à Werchter, Il est 1h du matin et l’heure de rentrer au camping. Discussion avec les voisins du camping. En vrac, un communiste suisse qui nous explique qu’il faut faire attention avec Jah, une nana qui explique qu’elle ne peut pas discuter avec nous parce qu’elle a un mec et quelques braillards à l’onomatopée facile qui nous racontent que « chouuuuwwwwwoooo » et que « douuurrrééééé ».
Et sinon…Dour ça commence demain…
Jeudi 17 Juillet
Le festival débute officiellement cette après-midi. Les premiers concerts sont prévus vers 13 h. Très professionnel, j’arrive sur le site vers 18 h. La grande scène extérieure (Last Arena) accueille Foals. Premier concert et première claque. Là où l’album proposait souvent des structures math-rock redondantes, la prestation donne une impression autrement plus riche. Le groupe se joue de la structure des morceaux de l’album et dégage une grosse énergie. Yannis Philippakis, leader et chanteur du groupe, impressionne : quand il ne martyrise pas le fût de batterie à sa disposition avec son micro, il lorgne, guitare en main, vers un hypnotisme irradiant qui embarque les festivaliers présents. Au bout d’une vingtaine de minutes, un dialogue s’engage avec le public. Il fait pas beau, vous avez pas de bol mais merci d’être là. Il fait signe à un mec de la sécurité et lui demande un joint. Celui-ci ne comprend pas et lui propose une clope. Déçu, le chanteur repart avec le groupe pour un autre morceau. Quelques minutes s’écoulent, il laisse ses musiciens jouer, descend, rejoint les festivaliers massés devant la scène et réapparaît quelques minutes plus tard sur scène avec le joint convoité…Emprunté en route à un festivalier. La prestation dure un peu moins d’une heure et on se dit que le festival ne pouvait pas mieux commencer.
On en profite ensuite pour faire le tour du site: 6 scènes (dont 4 en intérieur), des stands, des tables, des coins pour scotcher et un maximum de festivaliers qui trippent, il va y avoir de quoi faire pendant quatre jours. Chapiteau Club Marquee, apéritif devant Dub Trio : le groupe (batteur, guitariste, bassiste) évolue entre dub, rock et post-rock. C’est la seconde fois que Dour accueille les américains : la première fois (en 2006), ils accompagnaient le projet Peeping Tom de Mike Patton. Mention au batteur qui a pris soin de bien envoyer mémé dans l’espace avec ses baguettes. Chapiteau Club Marquee toujours, nouvel apéro puis Ez3kiel sur scène. On commence à se poser des questions: comme pour Dub Trio, le son est mal égalisé. En fait, le problème se posera tout le week-end sous ce chapiteau… Le groupe présente son nouvel album Battlefield sorti au début de l’année. Au niveau des choses positives, les vidéos qui accompagnent l’univers musical du groupe et les deux batteurs (ça le fait particulièrement sur « Break or die »). Du côté des déceptions, la qualité du son et des balances qui empêcheront de profiter de la subtilité des arrangements (genre tu vois que le mec joue du vibraphone et/ou du glockenspiel mais tu l’entends pas…). Le set se termine par le cultissime « Versus » qui enflamme (enfin) le chapiteau. La soirée est lancée.
La nuit tombe et les gens commencent à marcher en crabe. Rapide passage sous la pluie le temps d’un pain – brochette sauce andalouse (plus de précisions dans la dour chronicles 1.3, patience!) et direction l’Eastpak Core Stage. Il fait chaud, D.I.M. termine son set et ModeSelektor est attendu après. Apéritif en attendant les allemands, discussion avec quelques amis à usage unique. Je commets ma première erreur: partager mon breuvage alcoolisé avec un camarade belge. Il en profitera pour me tenir la jambe pendant tout le set en me testant sur les paroles. La flemme. Le set débute mal : le son du premier morceau n’est pas bon. Mais les morceaux suivants rassurent. C’est parti: boom boom tchick boom, ça saute à gauche, à droite. Bienveillant, j’aide un festivalier à me passer devant avec ses trois demis à la main. Il me remercie en m’engueulant. Putain, arrête de pousser bordel. Ce jeune homme a bien du toupet. Il continue. Ca sert à rien de pousser tout ça. Merde, il me fait la leçon en plus. Mon camarade belge du moment aura finalement le fin mot de l’histoire. Quelques minutes plus tard et sur un mouvement d’épaule typiquement dourien, il fera comprendre au festivalier râleur qu’il aurait dû finir sa bière plus vite. Les deux de ModeSelektor, accompagnés du VJ Pfadfinderei, enchaînent: « Kill Bill vol.4 », « Hasir » les featuring avec TTC (« une bande de mecs sympa », « 200007 ») et celui avec les puppetmastaz. Un set d’une heure et puis s’en vont.
Il est minuit, on se dirige alors vers le chapiteau le plus éloigné (la petite maison dans la prairie) pour assister au concert de Pendulum sur les recommandations d’un autochtone valenciennois croisé sur la route de Dour. Malheureusement, nous nous installons à l’une des nombreuses tables disposées à quelques mètres du chapiteau. Grossière erreur: le piège de l’apéro facile se referme sur nous. On boit un coup, on discute avec nos voisins de table, on reboit un coup. On apprend notamment qu’un gramme de speed c’est cinq jours sans dormir (information par ailleurs non vérifiée) et que le pooooukkelpoooop ça poutre. Puis on se rend compte qu’on a raté le set de Pendulum. On fait semblant de pleurer, on s’engueule. C’est de ta faute. Mais non, c’est à cause de la nana et de son histoire de speed. Un consensus se dégage néanmoins rapidement, nous prenons la sage décision d’aller voir sous le chapiteau Club Marquee si nous y sommes.
Sur le chemin, un stand se dresse spontanément devant nous et nous intime l’ordre de boire quelque chose. Nous protestons vivement puis nous ravisons. C’est finalement une bonne idée. Nous arrivons quelques minutes plus tard sous le chapiteau (à moitié vide). La scène est confiée aux Birdy Nam Nam et aux PartyhardERS jusqu’à 5 h. Est également invité Busy P, le papa du label Ed Banger. Ca navigue entre électro, break beat et hip-hop. Ca ralentit des fois. Puis ça repart. Exactement ce qu’il nous fallait. Si le temps peut prêter à grimace (frais et pluvieux), sur le moment c’est idéal: tu bouges et t’as pas chaud. J’essaie de compter le nombre de personnes qui sont sur scène. Premier essai : 12. Deuxième essai : 27. J’en déduis que je ne suis plus en mesure de faire des choses trop compliquées. Je me restreins donc aux fondamentaux : danser, sourire et crier de temps en temps. Je mettrai environ deux heures à me rendre compte que ça me saoule avant de rentrer au camping. Avec en dessert un incontournable des nuits douriennes: le concert d’échafauds.
Vendredi 18 Juillet
Réveil difficile. Heureusement le soleil est resté au lit et nous laisse quelques heures de répit. C’est la fête à la grimace : après la rude journée d’hier, les traits sont tirés et les voix déjà cassées. Courage, ça commence tout juste. Aujourd’hui encore, les concerts débutent vers 13 h. Aujourd’hui encore, je ne serai pas sur le site avant 17 h. Excuse bidon n°759 : j’ai commandé une citerne de café et en client bien élevé, je dois l’attendre. Excuse bidon n°760 : nous avons entamé une partie de cartes et mes camarades ne supporteraient pas que je les abandonne sans leur avoir mis une grosse raclée.
17 h : Arrivée sur le site et petite balade. En vrac : edIT (dj, hip-hop) tente de nous réveiller (Califooornia loooove); Omnikrom (hip-hop) n’y arrive pas; Ratatat (électro, rock avec des instruments tout ça tout ça) fait preuve de plus de subtilité et m’ouvre un oeil. Enfin DJ Orgasmic (TTC tout ça) profite du travail de sape des new-yorkais et parvient à me faire remuer les bras. Ca y est, la journée peut commencer.
Nous entamons un débat sur la fascination que peut exercer la sauce andalouse sur le festivalier moyen, partageons quelques pistaches puis prenons place près de la seconde scène en plein air (The Red Frequency) pour assister au concert de The Notwist, condensé musical d’électro mélancolique pour trentenaire posé. On retrouve les morceaux de l’excellent album « Neon Golden » (« Pick up the phone », « This room »), le timbre de voix résigné de Markus Acher et on prend un malin plaisir à observer les pérégrinations électroniques de Martin Gretschmann qui ne peut pas mieux porter son surmon (Console) qu’aujourd’hui où il commande les effets avec deux manettes de Wii.
La scène accueille ensuite les new-yorkais de Battles. Feu d’artifice math-rock de grande classe, on observe le batteur (mis en avant sur scène et on comprend vite pourquoi) perdre du poids en temps réel tandis que ses acolytes alternent guitare, claviers et voix triturées d’effets.
Coup d’oeil sur le programme: les deux concerts écoulés nous ont fait rater Bonde Do role, Ice Cube et Wax Tailor. Dour ça fait foutrement mal aux cheveux. Direction la Grande scène extérieure (The Last Arena) pour le Wu-Tang Clan. Fidèle à lui-même, le groupe arrive en retard et nous gratifie d’une compote d’onomatopées à base de « say wu-tang », de « say O.D.B. ». On file logiquement bouger nos cheveux sur Roni Size (Drum n’bass) avant qu’un typhon ne nous intime l’ordre de nous réfugier sous un chapiteau. On choisit celui qui accueille The Bug (dubstep et compagnie), l’une des dernières signatures du label Ninja Tune. Ils nous servent une soupe de basses assez indigeste qui fait voler en éclat notre résistance au sommeil . Mal partout, c’est fini pour ce soir, une grosse journée se profile demain.
Samedi 19 Juillet
Gros dodo et la patate au réveil. Discussions, méditation et thé pour commencer l’après-midi. Battles c’était vraiment sympa tout ça. Pour la première fois du week-end, le soleil est de la partie. Nous lui proposons une belotte qu’il accepte bien volontiers. Nous nous laissons emporter par son enthousiasme une bonne partie de l’après-midi avant de nous rendre compte qu’il s’agit d’une hallucination (sûrement due à la fatigue) et qu’en fait nous jouons à la belotte à trois depuis deux heures.
La journée sur le site commence avec Flying Lotus qui nous gratifie d’un agréable mélange de hip-hop et de trip-hop (il nous emmènera même flirter avec ses fantasmes drum’n bass à la fin du set). Le bonhomme affiche un grand sourire, un autocollant Barack Obama trône fièrement sur son mac et un mc vient épisodiquement rappeler que l’américain kiffe le bon hip-hop qui tatane. Il est suivi du rappeur Blu, originaire lui aussi de Los Angeles, qui poursuit sur la même voie : il arrive sur scène sourire au lèvres, descend saluer les quelques festivaliers massés devant la scène, montre qu’il n’est pas là pour faire de la figuration, redescend servir un peu de son whisky à ceux qui lui présentent un verre, choppe un joint au passage, nous montre une nouvelle fois qu’il sait pourquoi il a un micro en main et, au bout d’une petite heure, s’en va. Bon moment.
Il est 19h, il fait beau et nous prenons conscience que nous avons absolument besoin d’une bonne bière. Direction le stand bières spéciales pour une Leffe servie au verre (consigné). Discussions, jeu de la pistache puis Steel Pulse en plein air. Dreadlocks épaisses comme un arbre (copyright M.), le chanteur nous rappelle que c’est l’anniversaire à Nelson Mandela. Le rythme n’est pas vraiment soutenu, des discussions s’engagent entre festivaliers : « toi t’es trop sûr mec » ; « ouais lève les bras en l’air et prends mon joint, il va t’envoyer à Kingston man » ; « c’est clair, les basses résonnent tellement fort qu’on doit les entendre jusqu’en Jamaïque mon frère » ; « c’est la première fois qu’on voit le soleil ce week-end, c’est Jah qui nous envoie un message cousine ». Les meilleurs moments du concert sont finalement ceux où pépé synthé prend la place du chanteur. Ses diatribes bien raggamuffin (mon frère) ont le mérite de bien nous remettre les idées en place (man).
Après un débat acharné, notre petite équipe décide de faire le point devant une nouvelle Leffe. La soirée pose question, des artistes immanquables jouent en même temps. Hors de question d’enchaîner des petits bouts de set, en bon père de famille je coupe dans le vif: pas de Clark (qu’il faudra à tout prix voir ailleurs…), pas de Gilles Peterson ni de soirée hardcore (Otto Von Schirach, Drumcorps et compagnie). On oublie également le plateau Kitsuné et Cassius. Par contre, c’est parti pour une nuit sous l’eastpak core stage avec un enchaînement diabolique : The Herbaliser / Dj Krush / Mr Scruff.
Conscients que la discussion et les choix effectués avaient constitué une sacrée épreuve, nous nous accordons un graillou bien mérité. Au choix : kebab, sandwich, végétarien ou pizza. Ou bien encore LE pain brochette sauce andalouse. Très simple : un sandwich à la brochette complété par quelques pouces de sauce andalouse. Voici deux jours que nous essayons de percer le mystère de cette sauce et elle nous résiste toujours. Nous quémandons en vain des indices sur sa composition auprès des bénévoles qui la servent. Pour obtenir à chaque fois la même réponse. Un sourire contraint qui veut dire « je vous le dirai pas ».
23h30 , The Herbaliser débarque sur la scène. Formation surprenante : 6 musiciens, un Dj et une chanteuse qui proposent un mélange détonnant de soul et de funk (là où on s’attendait à quelque chose d’assez hip-hop). Le Dj enrichit les compositions du groupe de quelques scratchs bien placés. Pas un seul thème familier mais un sacré bon moment.
0h30, le chapiteau est bondé. Dj Krush débute son set. Relecture intelligente des albums « Jaku » et « Zen » : plutôt que de sortir les muscles en essayant d’imposer des basses qui étouffent ses compos, il les met en sourdine. Le résultat est propre et donne à entendre l’un des sets « machines » les plus honnêtes de tout le week-end : le japonais propose un fascinant patchwork d’ambiances et de lignes rythmiques. Il emprunte au passage le « organ donor » de Dj Shadow qui, forcément, fait monter la température du chapiteau de quelques degrés. On aimerait que ça dure plus longtemps mais non. Au bout d’une heure, et sans quasiment avoir levé l’œil sur son public, il referme son mac et s’éclipse. Le chapiteau vient de prendre une leçon de classe.
1h40, le chapiteau s’est un peu vidé. Apéro. Dj Krush nous a donné soif. Re-apéro. On sait jamais, au cas où Mr Scruff nous donnerait soif. Le génialissime architecte musical estampillé Ninja Tune, prend la relève. Fidèle à sa réputation, il arrive sur scène avec son mug de thé. Leçon de sobriété. Fidèle à sa réputation, il brouille les pistes et entame son set avec quelques thèmes reggae bien connus. Leçon d’originalité. A partir de ce moment, les choses deviennent plus floues : nous avançons jusqu’à la scène, un jeune de la sécurité prend soudain conscience que les festivaliers présents sont là pour lui et gratifie l’assistance de ses meilleurs pas de danse. Mr Scruff revient à quelque chose de plus hip-hop et superpose des morceaux d’artistes divers à ses lignes rythmiques syncopées. Je tombe amoureux de chaque nouvelle voisine puis, égal à moi-même, me ravise. Bienveillante, la sécu nous balance des bouteilles d’eau qui se transforment bien vite en petits jaunes. Mr Scruff nous envoie quelques-uns de ses thèmes : « Get a move on » transforme le chapiteau en boule de feu géante pendant que ses visuels nous invitent à boire du thé. Hop, petits pas de danse sur « Spandex Man », l’anglais craque enfin, au diable le thé et toutes ces conneries, passez-moi une bière. Le reste est un amas brûlant de gimmicks appelant à l’oubli de soi, un cocktail de beats à déraciner des platanes avec les doigts de pied. Trois heures de pur bonheur et Bob Marley pour finir. L’anglais descend ensuite de la scène pour saluer les quelques festivaliers encore présents. Une discussion s’engage, on lui reparle de son set au Sziget l’année précédente. Il est ensuite question de la fameuse sauce andalouse. Dis-donc, toi qu’est sacrément fort pour nous casser la tête avec tes mixes, tu connais forcément le secret de la sauce andalouse. Il répond que oui. Vas-y, vas-y balance ! Il sourit, semble hésiter et opte finalement pour le mutisme.
Retour au camping, concert d’échafauds, discussions farfelues et dodo. Il est 6h et il fait déjà bien jour.
Dimanche 20 Juillet
Un bourdonnement strident me parcourt les oreilles de gauche à droite pendant que le soleil tente de transformer ma tente en hammam. J’ai pas besoin de ça. Pas ce matin. Coup d’oeil sur la montre : 11h30 et les doigts de pied qui piquent. J’ai réussi à dormir cinq heures. C’est déjà ça. Coup d’oeil hors de la tente : l’endroit poursuit doucement sa mue. Nous sommes arrivés dans un camping, nous repartirons sûrement d’un bidonville. L’un de nos voisins de camping s’est installé à notre table. Me voyant sortir la tête, il me propose un whisky. Merci mais non, ça ira pour moi. Le bourdonnement strident se fait plus intense, j’entends à peine ce qu’on me dit. J’erre jusqu’au premier robinet venu et me cale tout entier dessous. Mauvaise idée: il y a du vent et maintenant j’ai froid. Putain d’idée à la con. Retour aux tentes, je tente le café. Il passe. Le voisin nous explique que de son point de vue, Dour est plus calme cette année du fait des tensions entre wallons et flamands. Il nous parle ensuite de lui, du pote et des deux nanas qui l’accompagnent: il est jardinier, son pote est commercial et les deux nanas c’est des tanks. Sûrement en référence à leur légère surcharge pondérale.
Tant bien que mal, nous parcourons les quelques centaines de mètres qui nous séparent du site. Dose One a fait le déplacement et présente son projet Subtle. Vêtu de son costume de médecin psychopathe, il déploie l’énergie qu’on lui connaît, déblatère son hip-hop transgenre à mach 2 et s’isole parfois derrière son vocoder pour nous la jouer crooner de l’espace. Il est accompagné de Jel à la rythmique machine et de deux musiciens qui alternent batterie, synthés, guitare, saxo et clarinette. Malheureusement le tout est mal égalisé et donne à entendre quelque chose d’assez confus.
Il est suivi de son ex-compère de cLOUDDEAD Yoni Wolf qui présente son groupe Why ? Rien à voir avec le set précédent. Le son est bien meilleur et la prestation captivante: Yoni Wolf alterne phases de chant, phases rappées et percussions. Entre folk et abstrakt hip-hop, les compositions sont enrichies par les trois musiciens qui accompagnent Wolf : son frère pour la ligne rythmique et le xylophone, un guitariste/bassiste et un clavier. Le concert dure environ une heure et, après avoir assisté aux deux concerts, on rêve soudain de voir se reformer cLOUDDEAD sur scène: l’énergie de Dose One couplée à la rigueur mélodique de Why ?
17h30, je prends la décision de ne plus compter les cafés. Passage à l’espace presse, les BB Brunes sont interviewés par la radio partenaire et c’est assez épique. Derrière la vitre, les festivaliers présents leur offrent un concert de bras d’honneur et une banderole. Avec « BB Burnes » marqué dessus. Quelques heures et quelques tomates plus tard, ils décideront d’écourter leur concert et de quitter Dour plus rapidement que prévu…Le chapiteau le plus éloigné (la petite maison dans la prairie) propose une bien jolie programmation en ce début de soirée: Earth, Tortoise puis Diskjokke. Je m’endors devant le post-rock répétitif des premiers avant de rouvrir un oeil pour Tortoise. Les deux même. Le concert est introduit par un fascinant morceau joué à deux batteries: les partitions sont calées au millimètre et les mesures découpées au microscope électronique. Le groupe joue de nombreux morceaux de l’album « TNT », les membres s’échangent volontiers les instruments (en vrac: guitare, basse, batteries, synthé et xylophone) tandis qu’un écran installé en fond de scène propose pour chaque morceau un montage vidéo. Il aura finalement attendre ce dimanche soir pour assister au concert musicalement le plus abouti du week-end…
Le dos se fait de plus en plus douloureux, les haut-parleurs nous agressent les oreilles avec le dernier dEUs, on hésite quelques minutes et finalement le courage l’emporte: on assistera bien au set du dj norvégien Diskjokke. Pour l’instant peu connu, il a sorti au printemps l’album « staying in ». Il livre aux rares festivaliers encore présents un set très intéressant. Plutôt lent et loin de l’écueil électro bling-bling; sombre, mélancolique et souvent bien égalisé, il réussira à nous tenir debout une heure de plus. Ce qui constitue une bien jolie performance.
A ce moment précis, on aimerait raconter que nous ne sommes pas rentrés exténués au camping, que nous avons vaillamment assisté à la démonstration de turntabilism de Dj Qbert et que nous avons fermé le festival. Mais en fait non. Nous avons dormi, nous sommes maintenant Lundi matin et des collègues de Noise Mag viennent de nous prendre en stop pour nous ramener sur Paris. Silence dans le van, ambiance fin de festival. On pense à tout un tas de choses et en même temps à rien. On se dit que Dour c’est à la fois trop long et trop court. On repense à ces instants où, devant un concert, on a l’impression d’assister à un grand moment. L’un de ces moments où on sent qu’on se trouve à l’endroit où il fallait se trouver. Le centre du monde version petit village de Belgique. Merci Dour.
Par trutruc