En direct du printemps (1)

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Photo: Mathieu Boogaerts

  • Première véritable journée de festival ce Mercredi à Bourges. Après une soirée d’ouverture où seul le grand chapiteau du Phénix ouvrait ses portes au public, les hostilités peuvent réellement débuter. Plusieurs couleurs au rayon de la programmation du jour: un plateau hip-hop au palais d’Auron, une nuit rock pour les deux salles du 22 ou un plateau plus éclectique, mais non moins intéressant à l’auditorium. Résumé de la journée.

 

  • Jeudi matin. Un bon reporter doit savoir faire le tri. Engranger les images et les sons puis dégraisser et garder l’essentiel. C’est parti. Engranger les images: Bénabar fait la une des journaux locaux. Accompagné de Zaza Fournier, il compose « le » plateau pour cadre dynamique mais grisonnant de la semaine. Dégraisser et garder l’essentiel: ne pas en parler.
  • Bourges respire le début de festival: les colleurs d’affiches s’arrachent l’espace visuel et on croise au moins autant d’accrédités que de festivaliers. Le 22 accueille ce midi, comme tous les midis de la semaine, une sélection de groupes estampillés « découvertes printemps de bourges ». Les sélections des années précédentes donnent confiance: on y a notamment vu passer Nosfell, Mell, Jeanne Cherhal ou le groupe Cocoon. Au jeu du « je suis accrédité et je connais sacrément bien la musique », celui dont il est le plus question est Boogers, guitariste bidouilleur qui superpose de jolies mélodies folk et/ou électriques à l’aide de ses machines. L’ensemble qu’il propose est agréable, un aperçu est disponible via son myspace (http://www.myspace.com/musicboogers).
  • Petite balade dans le village presse et découverte du jeune groupe «The Dodoz » qui joue en acoustique pour une télé. Une guitare, des coeurs et du beatbox; leur performance donne envie d’en savoir plus. Un collègue me fait part de ses états d’âme:  «  franchement, je me demande quand ils vont enfin percer les petits toulousains ». J’apprends ainsi qu’ils sont français. Me sentant happé par une vague de mysticisme philosophique musical, je lui explique que la musique et le marché qui va avec ne sont pas nécessairement régis par la cohérence. Il marque un temps d’arrêt, je prends conscience que ma phrase allait peut-être trop loin dans le mysticisme puis il abonde finalement dans mon sens et me conseille d’aller les écouter ce soir. On en reparle plus loin…
  • Le palais d’Auron propose pour cette fin d’après-midi un plateau rap/hip-hop. Les groupes retenus prêtent à débat. D’un côté, les présences de Rohff et Médine laissent penser que ceux qui assimilent le rap à une entité vulgaire et peu tournée vers la musique auront une nouvelle preuve de leur érudition. De l’autre, la présence de Serge Teyssot-Gay (guitariste de Noir Désir) et de Cyril Bilbeaud (ex Sloy) venus présentés la nouvelle mouture de leur projet Zone libre accompagnés du rappeur Hamé (La Rumeur) et de la rappeuse Casey laisse espérer une réponse plus « adulte » à ces clichés. Ce sont ces derniers qui ouvrent la soirée avec la présentation de leur album l’angle mort. La réaction du public à leur fusion rock/hip-hop est affligeante: là où on pouvait espérer que la programmation du groupe ouvre le public à quelque chose de plus atypique que les traditionnelles skyrockeries de Rohff et Médine, ce sont malheureusement surtout des sifflets et des insultes qui accompagnent le groupe. Serge Teyssot-Gay se fendra même quelques minutes d’un bras d’honneur en direction de certains agités du public…
  • Autre ambiance du côté de l’Auditorium et de ses 480 places assises avec le concert de Victor Démé. Le burkinabè, accompagné de quatre musiciens ( kora, percussions, guitare et basse), est touchant de gentillesse: il introduit chacun des morceaux par une explication drôle et spontanée de leur signification. Les musiciens donnent vie à son répertoire dans un mélange empreint de folk et de blues mandingues. Le public semble ravi et la salle entière est debout à la fin de la prestation.

    Photo: Victor Démé

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  • Mathieu Boogaerts lui succède pour présenter son album « I love you ». Comme une illustration du parti pris de l’artiste pour la réalisation de l’album (la partition rythmique comme point de départ des morceaux), une batterie crâne fière et esseulée au milieu de la scène. Le reste de la scène est vide: pas d’instruments, pas d’amplis et pas le moindre élément de décor. Quelques minutes passent et Mathieu Boogaerts apparaît sur scène guitare électrique reliée par infrarouge à la sonorisation de la salle. Il est suivi de ses trois musiciens, basse et synthé (également reliés par infrarouge) et batterie.
    Quatre musiciens et du vide tout autour. Question: faut-il meubler ce vide ? Comme pour sa musique, Boogaerts choisit de ne pas surcharger, de partir de l’épure et de construire par l’absurde. Le public semble gêné par ce vide, les musiciens s’en amusent. La mise en scène proposée donne à voir quelque chose de rare: une réflexion sur la « façon d’être » sur scène, une critique subtile d’une scénographie trop souvent tournée vers le démonstratif, les jeux de lumière faciles et les solos de guitare joués à la tronçonneuse. Quelques minutes passent et on se rend compte que la batterie est montée sur pilotis. Les musiciens vont pouvoir s’amuser à balader le batteur sur scène. Quelques minutes encore et une nouvelle surprise… Qu’on taira pour créer l’envie d’assister à l’un des nombreux concerts que le quatuor donnera dans les semaines à venir. Une heure passe: une partie du public semble ne pas avoir adhéré à la prestation; une autre est enchantée: elle vient d’assister à une performance d’art contemporain comme on en voit trop peu sur la scène musicale.
  • La nuit est tombée sur Bourges et le 22 ouvre ses portes. The Dodoz, croisé l’après-midi dans le village presse, ouvre le bal. Le morceau joué dans l’après-midi échaffaudait les choeurs à la manière d’ Animal Collective ou de Yeasayer . Tout autre registre ce soir, on découvre que les quatre toulousains se rêvent anglais et chevelus. Rêve en partie exaucé. Malgré leur jeune âge, ils impressionnent par le nombre d’influences rock déjà ingérées. Esthétique adolescente mais musique presque adulte, ils seront à suivre dans les mois (années?) qui viennent (www.myspace.com/thedodoz ) .
  • Le printemps de Bourges propose cette année une sélection d’artistes et de groupes japonais à découvrir tout au long de la semaine. Mono est de ceux-là. Metallophones apaisants et guitares pimentées, le groupe livre ses pérégrinations post-rock une heure durant. Rideau sur cette première journée, la suite demain.

    Photo: Mono

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