Photo: Get Well Soon
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Note pour moi-même: ce n’est pas parce qu’il pleut à Bourges que des lunettes de soleil sont inutiles. Vu les yeux que je balade sur le site ce matin, il eût été plus indécent de les porter. Heureusement mes collègues (pour ceux qui sont levés) ont aussi des yeux et les leurs font également peine à voir. Dans des moments comme celui-ci, l’expérience fait un tri naturel et on repère assez facilement les plus expérimentés: ce sont ceux qui portent des lunettes de soleil. Enième moment de solitude de ma semaine berruyère: j’ai encore beaucoup à apprendre.
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Nous sommes hier et il fait encore beau. Le soleil a répondu à l’appel des esprits du reggae muffin. Patrice, Toots and the Maytals, les Inna Da Yard All Stars et Keziah Jones vont se partager le chapiteau (enfumé) du Phénix. Le nigérien fait d’ailleurs ce matin la couverture des journaux locaux. Profitons-en pour faire la paix avec eux: Keziah Jones a fait « chavirer » le Phénix.
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Pendant ce temps, c’est un auditorium à moitié vide qui accueille le plateau Dear Reader / Juana Molina / Get Well Soon. Le premier groupe, Dear Reader, assure la première partie de Get Well Soon pendant sa tournée. C’est déjà un bon indice. Axant leur travail autour de Cherylin McNeil, chanteuse du groupe, les trois sud-africains composent un univers pop folk enneigé (à l’image du morceau « great white bear ») qui prend vie grâce au travail des machines et à la superposition de couches sonores. La chanteuse profite des intermèdes pour présenter ses morceaux. On apprend ainsi que la dernière fois qu’elle a voulu parler du morceau « great white bear » sur une scène française, son accent a transformé l’expression « ours polaire » en « os de poulet » ce qui, nous explique t-elle, a compliqué le dialogue. La prestation dure une quarantaine de minutes, la chanteuse invite alors les curieux à venir visiter le site internet du groupe. Celui-ci étant magnifique, on ne peut que conseiller de le visiter: www.dearreadermusic.com.
Photo: Dear Reader
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Leur succède Juana Molina, seule sur scène avec sa voix, sa guitare, son synthétiseur et sa pédale à sampler. Celle-ci construit sa musique à partir de courts échantillons monocordes qui superposés les uns aux autres donnnent naissance à une oeuvre singulière et hypnotique: quelque part entre le travail de Camille, Björk ou d’Animal Collective, c’est un peu comme si une tribu d’indiens en pleine descente s’était soudainement convertie à l’électronique. La prestation est exigeante: les sonorités se font obsédantes et une partie du public semble ne pas adhérer.
Photo: Juana Molina
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20h, l’auditorium s’est un peu rempli et c’est au tour de Get Well Soon de jouer. Patronyme étonnant qui cache le projet un peu fou d’un jeune homme timide. Là où l’album « Rest now, weary head! You will get well soon » laisse penser qu’il s’agit du travail d’un groupe, c’est en fait un seul homme,l’allemand Kostantin Koppler ,qui a enregistré l’ensemble de l’album. Celui-ci commence par une invitation à un voyage dans l’est européen: les cuivres accompagnent le lyrisme très radioheadesque des compositions. L’album, à la fois grave et mélancolique, ne propose pas de nouvelles recettes. Il rappelle juste que quelques longues années se sont écoulées depuis « Ok Computer » et les premiers morceaux de Muse.
Pour la scène, Konstantin Koppler s’est quand même entouré de musiciens. Il explique que cela fait quatre mois qu’ils n’ont pas joué ensemble et cela se ressentira sur les premiers morceaux. La timidité et la réserve du jeune allemand, que peu auraient reconnu errant, visage fermé, dans les couloirs de l’auditorium pendant l’après-midi, volent en éclat. Le personnage est transporté et transporte par sa voix . Belle à écouter sur disque, elle acquiert sur scène une autre dimension: quelques mois se sont écoulés depuis la sortie de l’album et le chanteur semble avoir affiné sa partition vocale.
La reprise du « Born Slippy » d’Underworld est envoûtante: le groupe conserve l’urgence de l’original et lui ajoute sa patte avec une relecture plus lente et plus poétique du morceau. Il paraît d’ailleurs que du côté de New-York, les quatre d’Interpol se sont barricadés dans une chambre en attendant d’arriver à avaler la pilule.
Photo: Kostantin Koppler – Get Well Soon
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Pas rancunier, je décide ensuite d’essayer de me réconcilier avec le 22 (voir papier d’hier) qui propose cette nuit un plateau électro-rock. Télépathe introduit la soirée. Deux jeunes filles qui font inévitablement penser à Cocorosie mais pas seulement. L’environnement sonore et les voix évoquent Animal Collective. Troisième article sur Bourges et troisième fois que je parle d’eux. L’influence du groupe sur tout un pan de la musique se ressent: l’électronique s’acoquine maintenant sans complexes avec la folk et c’est tant mieux.
Photo: Télépathe
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Succédant à Télépathe, Para One et San Serac présentent leur projet Slice and Soda. Grande première au 22, le set est très propre: les laptop, synthés et batteries électriques se répondent sans qu’un des éléments n’étouffe l’autre. Soucieux de ne pas assommer la salle, les deux électroniciens proposent un équilibre subtil: leur house façon crooner à banane des années 70/80 finit de me réconcilier avec le 22.
Photo: Slice & Soda
- Si j’avais le temps, je parlerai du bon moment passé avec The Noisettes, formation rock à l’ancienne menée tambour battant par sa chanteuse bassiste, de l’électro-rock des japonais de 80kids ou l’électro-revival de Battant. Mais je ne l’ai pas parce qu’il y a du travail. Du travail et des surprises à préparer.
- Retour sur cette semaine au printemps de Bourges dès Lundi sur festivals-rock. Bon week-end !