Les jours se suivent mais ne se ressemblent pas à Bourges. Jeudi, la teinte urbaine de la programmation avait contaminé les esprits et le survêtement était de rigueur. Hier, Vendredi, on pouvait deviner, sans consulter la programmation, qu’une grande messe noire se préparait. Confirmation vers 19h au palais d’Auron. Le metal a ses codes et il fallait mieux se vêtir de noir et, si possible, d’une ceinture à clous pour ne pas être dévisagé. Sur scène, les différentes déclinaisons du metal se répondent grâce à quelques-uns de ses représentants: Dagoba, Septicflesh, Epica, Kamelot et Punish Yourself. L’auteur de ces lignes, peu adepte et novice dans ce domaine, gardera un souvenir enthousiasmé de la prestation de Punish Yourself. Entre metal, folklore et arts de rue; les toulousains, maquillés de vert fluo et encagés par des lasers (verts également), enchaînent les riffs à faire décoller une fusée pendant que Freddy Krueger assure les chorégraphies avec rubans, scies et ustensiles enflammés. Trop cool.
Aloe Blacc est un mec sacrément cool en promo. Il enchaîne les interviews, marche sur 20 mètres pour un cameraman de télé qui semble enfin réaliser ses rêves de metteur en scène et enregistre des jingles pour des radios locales qu’il ne capterait pas, même avec une fusée Soyouz installée dans son jardin new-yorkais. Il ne le sait pas encore mais il va perdre son duel scénique avec Raphaël Saadiq qui, du haut de ses 20 années de scène, faisait hier soir sa masterclass.
Jean, chemise blanche et lunettes rondes. Malgré son look d’étudiant en lettres, Raphaël Saadiq n’est pas venu ici pour faire l’inventaire de la bibliothèque de Bourges: ça swingue à s’en faire hara-kiri et on imagine que, de là-haut, Sly Stone et quelques anciens le regardent remuer son popotin en regrettant de ne plus pouvoir le faire. Sa venue rappelle que, si la Soul est de nouveau plébiscitée (Charles Bradley, Aloe Blacc, Mayer Hawthorne et par ici Ben l’oncle qui saoûle ou mieux Sly Johnson), il en est l’un des grands frères incontestables. Multi-instrumentiste, il a enregistré son dernier album quasiment seul, et entouré d’un jazz band conséquent sur scène, il fournit une leçon de swing, de musicalité et de générosité.
On attendait beaucoup de la création autour de l’Afrique. On en est ressorti un peu déçu. Sur le papier, l’idée paraissait intéressante: des chansons françaises relues par des artistes africains et vice-versa. Problème: le projet penche trop vers la chanson française et pas seulement dans ce qu’elle a de meilleur. L’éclat de rire de Vieux Farka Touré, entamant le texte de la chanson « Comme un oiseau sans ailes » de Charlelie Couture, en a fourni un bon exemple. La choix du morceau « Aline » par Victor Démé n’était pas non plus probant. D’autres paris, osés,sont réussis: Mamady Keita reprend « Andy » des Rita Mitsouko, Victor Démé se rattrape sur le « Lady Lane » de Gainsbourg et le duo Piers Faccini / Vieux Farka Touré reprend, avec un minimalisme bienvenu, un chant traditionnel mandingue.
Une fois passée la parenthèse Aaron, tout à fait dispensable, la grande scène du festival reprend vie avec Philippe Katerine. Sur scène et sur disque, l’artiste belge continue à construire son grand dictionnaire de et par l’absurde. Dans le monde imaginaire de Katerine, on répète vingt fois la même chose (« Blablabla », « Philippe») et tout le monde se tutoie, de préférence en pyjama ou en costume de majorette. Guitare, basse, batterie, quatre majorettes vintage et un sacré final sur l’inévitable « Louxor j’adore ».
Sinon, les salles du 22 accueillaient Nasser (qui remplaçait Conan Mockassin qui remplaçait Lykke-Li) et c’était bien.
PS: Les photos non créditées sont de moi. Copyleft tout ça tout ça. Bisous.